Laboratoire junior Nombres et Mots

Une entrée sur les discours

Suite à l’inter­ven­tion de J.-M. Viprey lors du col­lo­que, nous avons fait le choix de modi­fier le titre de cette rubri­que.

La docu­men­ta­tion écrite et les trans­crip­tions d’entre­tiens oraux sont au cœur des tra­vaux des Humanités et des Sciences Humaines et Sociales. Tous ces dis­cours pren­nent donc la forme maté­rielle du texte, mais un même texte peut être le ter­rain de dif­fé­rents dis­cours.

Le cher­cheur doit donc cons­ti­tuer des corpus en tant qu’échantillon d’un tout géné­ra­le­ment impos­si­ble à attein­dre (Dalbera, 2002) . Or, cette créa­tion du corpus se pré­sente comme un enjeu cen­tral notam­ment depuis les ques­tion­ne­ments sur l’ana­lyse de dis­cours dès les années 1970 (Guilhaumou, 2002).

A l’heure de la numé­ri­sa­tion, les inno­va­tions tech­no­lo­gi­ques sont telles que tout le pro­ces­sus de recueil des corpus, de trai­te­ment et d’inter­pré­ta­tion des résul­tats connaît de pro­fon­des muta­tions. Non seu­le­ment la quan­tité de maté­riel dis­po­ni­ble s’accroît dans des pro­por­tions sans pré­cé­dent avec la mise en ligne de res­sour­ces jusque là dif­fi­ci­le­ment consul­ta­bles (notam­ment via les bases de don­nées numé­ri­ques consul­ta­bles à dis­tance telles Gallica), mais l’enri­chis­se­ment per­ma­nent de l’offre logi­cielle ouvre aussi des pers­pec­ti­ves d’ana­ly­ses nou­vel­les, faci­li­tant la com­bi­nai­son de dif­fé­rents types d’ana­ly­ses jusque là com­par­ti­men­tées (telles l’anno­ta­tion, l’étiquetage, l’ana­lyse de don­nées tex­tuel­les et l’ana­lyse de contenu).

La variabilité temporelle des discours

Les dis­cours varient d’un acteur ou d’un auteur à l’autre selon des valeurs, des inté­rêts ou des pra­ti­ques lar­ge­ment influen­cés par le contexte his­to­ri­que, social, économique ou cultu­rel.

De plus, les pro­duc­tions tex­tuel­les varient aussi au cœur du par­cours d’un même acteur selon ses tra­jec­toi­res de vie, ses liens créés et tissés… C’est pour­quoi il importe non seu­le­ment de décrire les struc­tu­res des sché­mas infor­ma­tifs, mais aussi d’évaluer com­ment des crises et rup­tu­res per­tur­bent ce sys­tème et en révè­lent les crises laten­tes. Le corpus permet de cerner com­ment un événement ponc­tuel bous­cule des sys­tè­mes de valeurs ou de repré­sen­ta­tions, ou com­ment ceux-ci évoluent len­te­ment de manière sous-jacente. Cette idée de per­ma­nen­ces et d’iner­ties doit aussi être rat­ta­chée aux ques­tions de bana­li­tés, d’entre-deux ou de saillan­ces autour des thé­ma­ti­ques abor­dées ou du style du texte.

Face à des temps rela­ti­ve­ment longs (jusqu’à deux siè­cles pour les jeunes cher­cheurs enga­gés dans ce labo­ra­toire junior), le cher­cheur se trouve face aux muta­tions des lan­gues ; ce qui pose encore d’autres enjeux métho­do­lo­gi­ques.

La variabilité spatiale des discours

Les corpus, dans une ana­lyse inter-sys­tème, peu­vent com­por­ter dif­fé­ren­tes lan­gues. Parmi les tra­vaux des fon­da­tri­ces et des mem­bres, quatre lan­gues inter­vien­nent : le fran­çais (mais aussi l’ancien fran­çais), l’anglais, l’alle­mand et l’ita­lien. D’autres lan­gues pour­ront être abor­dées par la suite. Cette bar­rière lin­guis­ti­que pose la ques­tion de la tra­duc­tion et de la trans­po­si­tion d’une langue à l’autre. Elle révèle aussi la richesse lin­guis­ti­que, la diver­sité des syno­ny­mes, et des réa­li­tés lexi­ca­les dif­fé­ren­tes.

Dans une ana­lyse intra-sys­tème, les lieux tout comme les tem­po­ra­li­tés peu­vent engen­drer des dis­cours dis­tincts, spé­ci­fi­ques et pro­pres, ou au contraire la répé­ti­tion du même.

Néanmoins, il n’est pas tou­jours facile de défi­nir les fron­tiè­res spa­tia­les d’un sys­tème lin­guis­ti­que. Les dif­fé­rents dia­lec­tes et varié­tés régio­na­les ont his­to­ri­que­ment joué un rôle très impor­tant dans la cons­ti­tu­tion des corpus lin­guis­ti­ques. Par exem­ple, « l’ancien fran­çais » n’est pas vrai­ment « une langue » au sens moderne, mais plutôt une col­lec­tion de dia­lec­tes des­cen­dus de latin (nor­mand, anglo-nor­mand, picard, fran­cien, wallon, poi­te­vin….). Pour étudier la langue dans la période médié­vale, il faut abso­lu­ment tenir compte de ces dif­fé­ren­ces dia­lec­ta­les.

Ainsi, il s’agi­rait de ques­tion­ner la stricte dicho­to­mie entre les rai­son­ne­ments inter- et intra-sys­tème.